Une visite au Musée pour permettre le transfert et évaluer les acquis
Pour rappel, notre objectif de départ était de concevoir et de tester en situation réelle un dispositif d'apprentissages visant à approcher le concept de « trace du passé » - en l'occurrence des traces matérielles- à travers ses deux attributs constitutifs : sa nature et sa temporalité historique.
C'est une visite du Musée gaumais qui a servi de cadre à l'activité de transfert qui a clôturé ce dispositif. Les enfants ont pu éprouver l'opérationnalité des procédures et des connaissances acquises tout au long du dispositif dans un contexte hors scolaire « proche d'un contexte d'utilisation quotidienne » (1), des peintures, des statues et des bas-reliefs en grandeur nature. Dans cet environnement, nous avons eu la satisfaction de vérifier que les enfants « étaient capables de penser eux-mêmes ce qu'ils savent et ce qu'ils savent faire et ce à bon escient ». Ainsi, ne connaissant pas le nom des oeuvres, les enfants les ont désignées spontanément par la catégorie d'oeuvres à laquelle chacune d'elles appartient. A la fin de la visite, ils se sont également vu confier la mission de prendre en photos deux oeuvres représentatives de deux natures distinctes de traces du passé. Ces clichés sont venus « nourrir » le ventre du Bouffron-Gouffron sous la forme d'un photo montage. Mais, c'est dans les interactions verbales échangées durant la visite même que les signaux les plus évidents de leur capacité à entendre un discours historique et à y prendre part. L'échange retranscrit ici est particulièrement édifiant à cet égard : il concerne le buste sculpté d'une jeune femme présentée dans une des salles du Musée, on la doit une artiste locale du XIXe siècle: 
Clarysse: " Mais, ça me fait penser aux 'Causeuses'; c'est Camille Claudel qui a fait ce buste?" A quoi l'animatrice pédagogique répond: "elles ont vécu à la même époque". Et Clarysse de renchérir avec pertinence: "Elles se connaissaient? Elles se sont rencontrées". 
Cet échange spontané (2résume bien l'essentiel des habiletés intellectuelles acquises par les enfants à l'issue du dispositif « Bih-Bih » : Clarysse mobilise adéquatement ses nouveaux savoirs dans un contexte de pratiques sociales se déroulant dans un environnement nouveau pour elle, un musée, et avec une personne qu'elle ne connait pas. Selon les critères fixés par Déry pour évaluer le transfert d'un MPIH (mode de pensée historien), Clarysse situe "le problème ou la réalité dans le temps", (elle a même saisi la notion de contemporanéité), "est curieuse des origines de l'événement " (ici des objets), "fait allusion à des éléments du langage de l'histoire" (référence à Camille Claudel), "cherche à tisser des liens" (3).  Par ailleurs, Clarysse offre le témoignage d'une pensée qui s'exprime en autonomie et qui est signifiante. D'une façon générale, cette évaluation in situ a révélé que d'autres prises conscience nécessaires à la configuration d'une pensée historienne avaient eu lieu et s'étaient opérées dans le chef des enfants : la dimension universelle de l'art présent à toutes les époques et sur tous les continents, la nécessaire préservation de ses manifestations quelles qu'elles soient, le rôle des musées à cette fin. 

1DERY 2008, p. 88.
2 Sans doute pourra-t-on parler pour désigner ce phénomène de « transfert spontané  d'un MPIH » qui se caractérise par le fait que l'apprenant effectue un MPIH sans avoir été invité à le faire, ce qui était bien le cas ici. DERY, 2008, p. 78.
3. Voir tableaux des "Indices de transfert d'un MPIH chez les élèves du primaires (10-12 ans)", dans DERY 2008, p. 84.

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