La répétition positive et des opérations mentales et des interactions verbales
Ce que Feuerstein désigne sous le terme de « répétition positive », et que nous serions tentés de rapprocher de ce que S. Cèbe appelle «  la répétition sans répétition" (1) constitue à mon sens le premier facteur d'efficacité du dispositif "Bih-Bih" (2). Cette répétition s'est opérée à un double niveaux : la réitération, à intervalles proches, des mêmes démarches mentales, d'une part, l'inlassable travail de re-formulation/rétroaction effectué et par l'enfant et par l'enseignant, d'autre part. Attardons-nous sur chacun de ces aspects.
Conduites dans un cadre stable, de par ses modalités organisationnelles (déroulement identique) et temporelles ( rituel quotidien), et selon une progression ajustée au plus près de celle des apprenants, les activités ont non seulement abouti à une maîtrise procédurale mais également à une compréhension signifiante et des procédures effectuées et des savoirs appris (3). Cette articulation croisée et itérative des processus et des savoirs est ce qui a permis la conceptualisation par l'enfant de ces nouvelles connaissances ainsi que de leur transfert. 
Par ailleurs, c'est la systématisation des interactions verbales autour des trois principales composantes présentes lors de chaque activité  - les objectifs de l'activité, les procédures requises pour les atteindre et les connaissances factuelles qui les sous-tendent-, qui a creusé le sillon vers la compréhension. Caractérisé par un souci de précision du vocabulaire, d'explicitation des démarches et de re-formulation permanente, l'ensemble des transactions verbales a progressivement conduit vers l'élaboration collective d'une réflexion tant sur les objets étudiés que sur la façon dont on pouvait les connaître, une méta-réflexion. D'une façon générale, la médiation verbale soutenue d'un bout à l'autre du projet a favorisé le développement de procédures de contrôles nécessaires à des apprentissages efficaces :
- l'anticipation et la prévision : la médiation verbale précédant toute activité a été attentive à décrire (ou faire décrire) le matériel propre à l'activité, à énoncer (ou faire énoncer) le but et la procédure pour y parvenir de façon à aider l'apprenant à se construire une première représentation de celle-ci.
- L'évaluation-régulation : tout au long de la chaîne d'activités, l'enseignant amenait l'enfant individuellement à expliquer ce qu'il était en train de faire et à rectifier les éventuels égarements.
- L'évaluation terminale : une mise en commun consistant à présenter le résultat de l'activité était invariablement organisée à la fin de chacune d'elles.
En veillant à ordonner un va et vient constant entre la tâche et le processus (3), le dispositif "Bih-Bih" a permis aux enfants, même les plus faibles (4), de commencer à acquérir des méta-connaissances sur leurs stratégies de résolution dans certains types de tâches et a, par là même, initié une dynamique méta-cognitive qui est certainement un des acquis forts et durables de celui-ci (5). Mais, la médiation verbale, pour décisive qu'elle soit, ne peut être le seul facteur à considérer pour expliquer l'émergence de compétences méta-cognitives. En effet, il nous semble opportun de pointer l'activation implicite de certaines fonctions exécutives « de base » (6) dont l'opérationnalité s'est trouvée renforcée par le caractère itératif des activités pédagogiques proposées tout au long du dispositif. Comme nous le rappelle S. Frenkel d'ailleurs, « les auteurs, surtout européens, ont pris l'habitude de remplacer le terme de fonctions exécutives par celui de stratégies méta-cognitives sans en modifier le contenu».
Expression utilisée dans une conférence mise en ligne par l'académie de Toulouse. 
La répétition des mêmes stratégies d'apprentissages est également au coeur du dispositif testé par J. STORDEUR, dans la classe de 2e et 3e maternelles de M. Bolle depuis 3 ans : deux à trois séquences d'apprentissage « vrai » par jour et répétées, chaque jour, sur au moins 5 jours. J. STORDEUR, "Neurosciences, situations complexes et répétitions", dans Cahiers pédagogiques, n°527, Février 2016, pp. 22-23.
3 EUSTACHE 2016, 98, souligne l'importance, dans le processus de mémorisation d'une information, de l'adéquation entre le cadre dans lequel une information est encodée par l'apprenant et le cadre dans lequel une information est restituée. La stabilité de ce cadre est un gage de consolidation des savoirs. C'est cette stabilité que nous avons tenté de garantir aux activités d'apprentissage. Cette stabilité n'a pas empêché que nous proposions une diversité des modes de présentation des connaissances ni des modalités d'activités.
CEBE conférence: "Aussi pensons-nous qu’il ne suffit pas de laisser les élèves agir librement (de les mettre en activité, de leur faire faire des exercices) mais qu’il est nécessaire de les aider à déplacer leur attention de la performance (du résultat) à la procédure elle-même".
DOLY, 2016, p. 117 : « Les comportements métacognitifs apparaissent comme caractéristiques des élèves en réussite scolaire et comme condition de démocratisation de l'enseignement".
DOLY, 2016: « Les compétences métacognitives de l'enfant augmentent avec l'entraînement et la répétition.
DIAMOND, 2014, cité par FRENKEL, 2014, p.6, distingue les fonctions exécutives de « « haut niveau » telles que le raisonnement, la résolution de problèmes ou encore la planification des fonctions exécutives « de base »: l'inhibition, la mémoire de travail et la flexibilité cognitive.
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