Adossé à ces premiers arguments, le dispositif présenté ci-dessous s'est mis en tête de s'écarter des prescrits légaux (autrement-dit des programmes et Scoles) afin de privilégier deux axes didactiques : en premier lieu, en proposant à l'enfant de quitter son cadre spatio-temporel proche et familier et de prendre la tangente vers un passé résolument éloigné et déstabilisant pour lequel il n'a pas de repères mais qui n'en nourrit pas moins son imaginaire. En faisant le choix d'aborder la complexité du temps passé, il s'agissait de relever le pari de Pascale Toscani(1) : « ...ce sont les apprentissages qui développent l'intelligence. Plus l'enfant traite d'informations, plus il rend son intelligence flexible et plus il peut intégrer de nouvelles informations". Cette conception a, entre autres mérites, de redonner sa pleine signification à l'action pédagogique et, du même coup, de réhabiliter la « médiation » enseignante à laquelle les enseignants eux-mêmes semblent parfois ne plus vraiment croire(2). Cette médiation enseignante a été au coeur de notre réflexion d 'un bout à l'autre du dispositif. En second lieu, le but était de délaisser les « compétence » déclinées par les Socles pour s'attacher à entrevoir leurs soubassements, à savoir les habiletés cognitives qui les sous-tendent(3). Aussi avons-nous arrimé les objectifs d'apprentissage non à l'acquisition de savoirs historiques, ce à quoi se réduit le plus souvent l'enseignement de l'histoire, mais au processus de compréhension d'un concept substantiel de l'histoire, celui de « trace du passé » , dans le but de privilégier une action pédagogique considérant l'élaboration du savoir plus que le savoir même (4). En traçant ce sillon, notre but premier était de cerner plus finement la façon dont se mettent en place les prémisses d'une pensée historienne chez l'enfant. Concrètement, comment un apprentissage adapté et dynamique, autrement dit, ajusté au plus près de la marge de progression de l'apprenant, « sa zone proximale de développement », peut-il contribuer au développement de la pensée chez l'enfant et, plus spécifiquement, de la pensée historique ? Comment cette pensée qui tire sa principale spécificité de sa perspective temporelle(5), s'édifie-t-elle ? Et, de façon plus ciblée, quels sont les outils cognitifs qui la conditionnent? Par quelle(s) action(s) pédagogique(s) peut-on les développer ? Peut-on déjà commencer à le faire dès le début de l'enseignement primaire ? C'est animé par ces questions que le dispositif pédagogique que nous allons à présent décrire a été mis en oeuvre. Assurément, il n'a pas la prétention d'y répondre mais de soumettre à réflexion des éléments d'observation sur base de pratiques de classes. Celles-ci ont été recueillies dans le cadre d'une suite d'activités pédagogique conduite dans une classe de première année primaire, composée de 13  enfants de 6 ans, entre les mois de février et de juin 2016.

1 TOSCANI, 2015, p.18. 
BARTH, 2001, n'hésite pas à nous interpeller : « Devant l'incapacité de l'élève à agir, l'enseignant en déduit que la tâche est trop complexe ou que l'enfant ne réfléchit pas ou qu'il n'est pas « au niveau ». Mais le problème ne vient-il pas plutôt de nous, les enseignants qui ne comprenons pas la nature des difficultés que l'élève éprouve et quel type d'aide nous pouvons lui apporter ? »
Pour GAGNE & alii, 2009 , p. 7, une compétence se décompose en « habiletés cognitives ».
BARTH, 2001, p.33.
« Les ressorts de la pensée historienne sont accessibles à tous pour autant qu'on s'emploie à les cultiver, selon l'âge bien sûr et sur un mode très pratique » selon MONIOT, 1993, 42, cité par LAUTIER & ALLIEU-MARY, 2008, p. 103.
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